
Burundi. Où va l’argent de la vente des minerais ? C’est la question que chacun se pose. Les ressources minières dont regorge le pays sont exploitées, certaines, artisanalement, d’autres, industriellement, mais leur impact dans le budget est insignifiant, elles ne contribuent que très peu à la transformation économique et sociale du pays. La contribution du secteur minier à l’économie nationale atteint, à peine, 1% du PIB, annuellement.
❶ Le potentiel minier du #Burundi est principalement constitué : (a) d’importantes minéralisations de nickel de classe mondiale (6% des réserves mondiales), accompagnées de cobalt et de platine ; (b) des gîtes d’étain, de coltan, de vanadium, d’or, de wolfram et de terres rares ; (c) de minerais industriels, comme les phosphates, le calcaire, le kaolin, l’argile et divers autres matériaux de construction. En 2008, on décomptait : 3 sites d’exploitation de coltan et cassitérite, 35 sites d’exploitation d’or et 10 sites d’exploitations du wolframite. 16 ans après, certainement que ces sites se sont multipliés par 2 ou 3. Bien que l’exploitation minière artisanale profite aux populations et aux intermédiaires, l’Etat ne gagne que très peu en termes de recettes douanières d’exportation ou de profits pour les investissements. Quant aux entreprises étrangères qui viennent investir dans le pays, elles repartent sans que l’on en connaisse les résultats. Quelques cas illustratifs.
❷ Cas du Nickel. Le #Burundi possède du nickel oxydé, avec des ressources estimées à environ 250 millions de tonnes de nickel, dont 150 millions de tonnes dans la seule localité de Musongati, en Province de Rutana. Un autre gisement de 90 millions de tonnes se trouverait à Nyabikere, en Province de Karuzi. On estime que les réserves de nickel du #Burundi représentent environ 6% des réserves mondiales de ce métal. Et pourtant, le pays n’en tire aucun profit, sinon, que quelques dignitaires du pouvoir en perçoivent des avantages financiers et des rétro-commissions. Selon les prévisions des experts, il est possible d’exploiter jusqu’à 1 million de tonnes de nickel par an. Avec un prix de 18.000$ par tonne, vous pouvez vous imaginer le montant des recettes annuelles que le Trésor Public pourrait encaisser. Le dernier partenaire qui avait signé un contrat avec le Gouvernement, en 2014, le #BMM (Burundi Mining Metallurgy), sur une période de 25 ans, renouvelable pour 10 ans, son contrat fut suspendu, en mars 2022, sans en connaitre les raisons profondes. Dès le départ, #BMM s’est heurtée à trois principales contraintes : (1) disponibilité d’une électricité suffisante. Il faudrait au moins 800 MW pour exploiter 1 million de tonnes de nickel, alors que la capacité de production du pays était de seulement 60 MW ; 2) manque d’infrastructures de transport du minerai produit. Par exemple, le transport par route serait cher et difficile. Pour transporter 1 million de tonnes, de Musongati à Dar-es-Salaam, il faudrait qu’au moins 500 camions circulent entre Musongati et Dar es-Salaam chaque jour, ce qui endommagerait les routes goudronnées. Donc, il fallait envisager la construction d’un chemin de fer qui relierait Musongati à Dar-es-Salaam ; 3) plus inquiétant encore, il était régulièrement demandé à la société BMM de payer des redevances privées et facilités diverses, soit, au couple présidentiel, soit, au parti au pouvoir, alors que l’exploitation n’avait même pas encore commencé. L’entreprise se battait pour pouvoir démarrer l’exploitation. A son arrivée au pouvoir, le Président Ndayishimiye décida de rompre le contrat le 22 mars 2022. Aucun audit n’a été entrepris pour mesurer les difficultés et permettre au contrat de se poursuivre. Qu’a gagné le peuple Burundais ?
❸ Cas des terres rares de Gakara. Le gisement de Gakara au #Burundi est l’un des plus riches gisements en Eléments de Terres Rares (ETR) au monde. Le nom de terres rares est communément donné à un ensemble de 17 métaux du « tableau périodique » dont les 15 lanthanides (le Lanthane, le Cérium, le Praséodyme, le Néodyme, le Prométhium, le Samarium, l’Europium, le Gadolinium, le Terbium, le Dysprosium, l’Holmium, l’Erbium, le Thulium, l’Ytterbium, le Lutécium) auquel s’ajoutent 2 autres métaux ayant des propriétés semblables à celles des lanthanides, à savoir le Scandium et l’Yttrium. Un gisement de terres rares contient donc tous ces éléments regroupés ensemble mais avec une distribution qui varie pour chaque élément et d’un gisement à un autre. En 2019, le #Burundi figurait parmi les dix pays producteurs des terres rares au monde. Les réserves en terres rares sont estimées à 1,2 million de tonnes exploitables pendant au moins 25 ans. Et selon les études effectuées en 2018, les mines burundaises se classent parmi celles ayant une plus haute teneur au monde. Enfin, comme c’est un « concentré », cela veut dire qu’il contient d’autres substances qui ne sont pas ces fameuses terres rares, mais qui pourraient avoir de la valeur. En effet, les résultats d’analyses faites à l’Université du #Burundi montraient que le concentré de Terres Rares contient aussi d’autres « substances de valeur » dont des phosphates en quantités industrielles capables d’alimenter une usine locale de fabrication d’engrais chimiques, sans faire recours à l’importation. En mars 2015, la société britannique « Rainbow International Resources Ltd (RIR) » reçut du Gouvernement une licence d’exploitation des terres rares à Gakara, en Province de Bujumbura-Rural. La société prévoyait que la production de terres rares pourra atteindre 5.000 tonnes en 2018. A l’entrée en fonction d’Evariste Ndayishimiye et son équipe, le contrat fut suspendu en mars 2021, par décision du Premier Ministre, Alain Guillaume Bunyoni, après, disait-il que des rapports avaient révélé un vol systématique et des manquements graves à tous les échelons de la chaine d’exploitation. Devant le Sénat, le Premier Ministre s’exclama, par cette phrase en Kirundi : « Twasanze twaribwe kuko bahora bacukura ubutare bakajana n’agataka » (Ils nous ont escroqué, non seulement, ils prenaient les minerais, mais aussi, la terre avec). Avec la production possible de 5.000 tonnes par an et un prix de 6.500$ par kilo (sur le marché de Londres), le Trésor Public encaisserait une somme non négligeable annuellement. Sauf que la société en question prétendait percevoir une somme de 18$ par kilo, contre 6.500$ sur les marchés internationaux. On ne connait pas l’état du dossier actuellement.
❹ Cas de l’Or. L’extraction minière de l’or s’effectue via l’exploitation artisanale et à petite échelle, officiellement structurée en coopératives. D’après les enquêtes, officiellement, l’ensemble de la production de l’or au #Burundi serait de l’ordre de 20 à 25 kg/mois soit de quelques 250 à 300 kg/an. Cette quantité est bien inférieure aux exportations réelles. En 2015, un rapport des experts onusiens a révélé qu’il y aurait, au moins, 5 tonnes d’or qui transitent, par an, par l’aéroport International de Bujumbura ayant été exporté vers Dubaï à partir du Burundi. Il y a, certes, une partie de l’or en provenance de la RDC qui transite par l’aéroport de Bujumbura. Là aussi, la transparence s’imposerait. Dans son Rapport en 2016, la Banque Mondiale soulignait qu’il y avait un problème de transparence dans la quantité d’or produite. La Banque Mondiale recommandait au Gouvernement de déployer des efforts pour la transparence et la traçabilité, en particulier, l’adhésion à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Jusqu’à ce jour, le flou persiste. Beaucoup de hauts dignitaires participent à ce commerce florissant. Et cela se généralise pour toutes les ressources minières.
❺ Il est difficile de comprendre comment le #Burundi, avec toutes les réserves minières, de grandes teneurs et recherchées au niveau mondial, reste le pays le plus pauvre du monde, avec des opportunités qui pourraient favoriser la transformation économique et sociale du pays. Ces ressources minières pourraient être transformées en capital productif. L’industrialisation serait plus facile, avec les ressources domestiques. Il manque la transparence, la traçabilité et les réformes. Il y a très peu de pays en Afrique qui ont pu franchir ce pas d’une industrialisation et d’une prospérité axées sur les ressources minières et agricoles. Beaucoup de pays préfèrent encore dépendre de l’aide étrangère qui les lie à jamais, eux et les générations à venir. En l’absence d’une bonne gouvernance, aucun développement ne sera possible.