Rwanda: migrants expulsés d’Israel, Kigali fait le point.

Les autorités rwandaises refusent de recevoir des députés israéliens d’opposition venus les interroger au sujet de la polémique en Israël au sujet de l’expulsion de migrants africains: c’est une affaire intérieure israélienne. La position de Kigali, sur les migrants, reste une politique de « portes ouvertes » mais uniquement sur base « volontaire ».

Israël a lancé le 3 janvier un programme d’expulsion des migrants africains célibataires hommes (ceux venus avec leur famille ne sont pas concernés, ni ceux libérés de leurs prisons libyennes) en situation irrégulière sur son territoire parce que leur demande d’asile n’a pas abouti. D’ici à avril, ils doivent choisir entre le retour dans leur pays, le départ pour un pays tiers ou la prison en Israël. L’Etat offre le billet d’avion et 2800 euros à tout migrant d’accord pour partir.

Un bluff des autorités israéliennes?

Quelque 14.000 d’entre eux sont déjà partis pour un pays tiers. Pour les autres, Israël mise sur une expulsion forcée – mais refuse de dire vers quels pays tiers. Comme on voit mal quel gouvernementi accepterait des étrangers amenés sous la contrainte, s’agit-il d’un bluff des autorités israéliennes?

Des ONG israéliennes défendant les droits des migrants sont convaincues que ces pays tiers sont le Rwanda et l’Ouganda, malgré les dénégations insistantes de Kigali et Kampala. Leur conviction pourrait résulter du fait que ces deux pays ont accepté des migrations volontaires d’Israël vers leurs territoires. Ou de la déclaration de Kigali, en novembre dernier, offrant de recevoir jusqu’à 30.000 migrants africains libérés de leurs prisons en Libye, où certains étaient vendus sur un marché aux esclaves; une offre particulièrement généreuse de la part d’un pays pauvre et très peuplé comme le Rwanda.

Début janvier, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe – ancien ambassadeur du Rwanda en Belgique – a précisé à l’AFP qu’il y avait eu « des négociations » il y a trois ans avec Israël à propos de l’accueil de migrants « mais il n’y a eu aucun accord » – même si les deux pays entretiennent généralement de bonnes relations en raison d’un passé commun de victime de génocide.

Le souvenir de l’exil des Tutsis

Ce jeudi 8 février, l’AFP a interviewé à Kigali des députés israéliens d’opposition se plaignant de ne pas être reçus par les autorités rwandaises. Le secrétaire d’Etat Nduhungirehe a expliqué vendredi que Kigali ne souhaitait pas s’immiscer dans les affaires intérieures israéliennes: « Le Rwanda ne peut pas être un terrain de jeu pour la politique intérieure israélienne ».

L’ambassade du Rwanda à Bruxelles a précisé de son côté la position générale de Kigali sur les migrants africains – peu surprenante quand on se rappelle qu’une partie de la population d’ethnie tutsie, dont le président Paul Kagame, a longtemps été maintenue de force en exil par les gouvernements hutus qu’a connus le pays.

« Portes ouvertes »

« La position du Rwanda sur les migrants, quelle que soit leur origine, a été informée et façonnée par un sentiment de compassion envers les frères et sœurs africains qui meurent aujourd’hui en haute mer, qui sont vendus sur des marchés comme du bétail ou expulsés des pays où ils ont cherché abri. Le Rwanda est prêt à aider, dans ses moyens limités, en recevant ceux qui arrrivent à ses frontières à la recherche d’un abri, volontairement et sans contrainte d’aucune sorte ».

Le document répète que Kigali « n’a jamais signé d’accord secret avec Israël sur la relocation de migrants africains », envers lesquels la politique du Rwanda « demeure celle des portes ouvertes ».

Selon l’AFP, les chiffres de la section rwandaise du Haut commissariat aux Réfugiés de l’Onu indiquent qu’entre 2014 et 2017, quelque 4000 réfugiés africains sont passés volontairement d’Israël au Rwanda. Seuls 7 sont encore présents; les autres, déçus par leurs conditions de vie, sont partis vers des pays voisins ou ont tenté d’aller en Europe.